Jules Desbois
DESBOIS, Jules (Parcay-les-Pins, Maine-et-Loire, 1851- Paris, 1935) :
Fils unique d’aubergistes, Desbois quitte très tôt la maison familiale pour travailler à Tours puis à Angers, dans des entreprises de sculptures religieuses. Incité par Bouriché (1826-1906), son patron qui lui a appris la technique de la taille de la pierre, il entre à l’école des Beaux-Arts d’Angers. Il s’y fait vite remarquer et monte à Paris grâce à une bourse octroyée par le département du Maine-et-Loire. En 1874, aux Beaux-Arts de Paris, il est l’élève de Cavelier (1814-1896). Il exposa au Salon de 1875 Orphée qui lui valut une médaille de 3ème classe ; elle fut achetée par l’Etat (détruite aujourd’hui). Un nouveau succès l’attend en 1877 avec Othryadès (médaille de 2ème classe, achetée par l’Etat, détruite). Ces deux œuvres sont de facture classique autant par leur sujet mythologique ou historique que par leurs « poses d’atelier ».
En 1878, il fait la rencontre décisive de Rodin, alors qu’ils travaillent pour le même entrepreneur à la décoration du nouveau Palais du Trocadéro. Rodin n’est pas encore célèbre.
Pour assurer son avenir, il prend plusieurs initiatives qui ne vont pas aboutir : séjour pendant deux ans aux Etats-Unis dans l’espoir d’y faire fortune (il travaille à une statue de Washington dans l’atelier de John Quincy), création d’une entreprise de reproduction d’œuvres d’art par héliogravure. Desbois revient à la sculpture en 1884, et reprend contact avec Rodin, auprès de qui il va affiner son style pour plus de sensualité et trouver une aide précieuse. Ce dernier lui confie la pratique de certains marbres, l’associe à certaines grandes commandes (Monument à Claude Lorrain pour Nancy, 1889), lui aurait procuré un emploi de modeleur à la manufacture de Sèvres[1] (1886) et lui présente des mécènes. Le Baron Alphonse de Rothschild lui passe commande d’un Acis changé en fleuve en 1885, qu’il expose au Salon de 1886 et dont l’Etat commande le marbre.
En 1890, Desbois est un des premiers sociétaires de la SNBA ; le sculpteur en sera un des piliers avec La Mort et le bûcheron (détruite), clou du salon pour toute la presse. Il entame avec cette sculpture, une série d’œuvres à thème humaniste, dont fait aussi partie La Misère (plâtre acheté au Salon de 1894 par l’Etat), alors que la Léda de 1891 appartient à une veine plus sensuelle. Elle fut, elle aussi, acheté par l’Etat, malgré les réticences d’un ministre pour indécence[2].
En 1896, la SNBA lui fait l’honneur de lui consacrer une exposition particulière avec cinq sculptures et une trentaine d’objets d’art décoratif. Dès ce moment là son œuvre n’évoluera plus jusqu’à la fin de sa vie. Il exploite tantôt un expressionnisme fantastique comme dans la Misère, la Mort et le bûcheron, ou la Mort casquée, tantôt un modelé souple, subtil et sensuel, comme Léda. Il excelle aussi comme portraitiste. « Chacun de ses portraits est une remarquable étude psychologique du modèle »[3] (Buste de femme, marbre, 1896, Petit-Palais ; Buste de Rodin, bronze 1901 ; Buste de Rodin, pierre, 1910).
En 1898, Desbois rejoint le groupe "l'Art dans tout" en 1898, mouvement artistique qui, de 1896 à 1901, a réuni des architectes, des peintres, des graveurs, des sculpteurs. Ce mouvement, qui artistiquement s’inscrit dans la tendance de l’Art nouveau, imagine une production industrielle appliquée aux arts décoratifs (mobilier, aménagement intérieur, objets utilitaires de la vie courante). Alexandre Charpentier, Félix Aubert, Jean Dampt, Henri Nocq, Charles Plumet, Tony Selmersheim et Etienne Moreau-Nélaton sont à l'origine de ce groupe. Avec eux, par trois fois, à la galerie des Artistes modernes à Paris, il expose des objets décoratifs (bijoux, vaisselle, étains), objets qui l'ont fait découvrir à la SNBA dès 1892.
Comme Rodin, Desbois est amoureux du corps féminin, il en fait son sujet privilégié qu’il introduit jusque dans ses essais d’art décoratif. Son influence n’est pas à contester. Rodin, maître et ami, a révélé à Desbois sa vraie nature de sculpteur. Mais l’influence est réciproque. Quand Desbois entre dans son atelier vers 1884, il est plus qu’un praticien de premier ordre, mais est aussi, dans une mesure difficile à quantifier, le coauteur de certaines œuvres comme le Monument à Claude Lorrain. La Misère précède et non suit La belle heaulmière de Rodin et témoigne de cette imbrication de ces deux talents.
A sa mort en 1935, son fonds d’atelier fut partagé entre trois musées : Angers, Saumur et Tours. Un Musée Jules Desbois a ouvert à Parcay-Les-Pins dans la maison natale du sculpteur en 2001.
[1] En 1907, pour l’exposition de la Porcelaine du Musée Galliéra, c’est Desbois qui exécute cinq pièces d’après les compositions de Rodin.
[2] Dans la mythologie, Léda est étreinte par un cygne.
[3] Véronique WIESINGER, , « Jules Desbois (1851-1935), sculpteur ou imitateur de Rodin ? », Bulletin de la Société de l’Histoire de l’Art français, Séance du 9 novembre 1985, p. 322.
- Participations : 1902, 1909, 1910, 1911, 1912, 1913, 1914.
- Sociétaire, sans exposer : 1904
Fils unique d’aubergistes, Desbois quitte très tôt la maison familiale pour travailler à Tours puis à Angers, dans des entreprises de sculptures religieuses. Incité par Bouriché (1826-1906), son patron qui lui a appris la technique de la taille de la pierre, il entre à l’école des Beaux-Arts d’Angers. Il s’y fait vite remarquer et monte à Paris grâce à une bourse octroyée par le département du Maine-et-Loire. En 1874, aux Beaux-Arts de Paris, il est l’élève de Cavelier (1814-1896). Il exposa au Salon de 1875 Orphée qui lui valut une médaille de 3ème classe ; elle fut achetée par l’Etat (détruite aujourd’hui). Un nouveau succès l’attend en 1877 avec Othryadès (médaille de 2ème classe, achetée par l’Etat, détruite). Ces deux œuvres sont de facture classique autant par leur sujet mythologique ou historique que par leurs « poses d’atelier ».
En 1878, il fait la rencontre décisive de Rodin, alors qu’ils travaillent pour le même entrepreneur à la décoration du nouveau Palais du Trocadéro. Rodin n’est pas encore célèbre.
Pour assurer son avenir, il prend plusieurs initiatives qui ne vont pas aboutir : séjour pendant deux ans aux Etats-Unis dans l’espoir d’y faire fortune (il travaille à une statue de Washington dans l’atelier de John Quincy), création d’une entreprise de reproduction d’œuvres d’art par héliogravure. Desbois revient à la sculpture en 1884, et reprend contact avec Rodin, auprès de qui il va affiner son style pour plus de sensualité et trouver une aide précieuse. Ce dernier lui confie la pratique de certains marbres, l’associe à certaines grandes commandes (Monument à Claude Lorrain pour Nancy, 1889), lui aurait procuré un emploi de modeleur à la manufacture de Sèvres[1] (1886) et lui présente des mécènes. Le Baron Alphonse de Rothschild lui passe commande d’un Acis changé en fleuve en 1885, qu’il expose au Salon de 1886 et dont l’Etat commande le marbre.
En 1890, Desbois est un des premiers sociétaires de la SNBA ; le sculpteur en sera un des piliers avec La Mort et le bûcheron (détruite), clou du salon pour toute la presse. Il entame avec cette sculpture, une série d’œuvres à thème humaniste, dont fait aussi partie La Misère (plâtre acheté au Salon de 1894 par l’Etat), alors que la Léda de 1891 appartient à une veine plus sensuelle. Elle fut, elle aussi, acheté par l’Etat, malgré les réticences d’un ministre pour indécence[2].
En 1896, la SNBA lui fait l’honneur de lui consacrer une exposition particulière avec cinq sculptures et une trentaine d’objets d’art décoratif. Dès ce moment là son œuvre n’évoluera plus jusqu’à la fin de sa vie. Il exploite tantôt un expressionnisme fantastique comme dans la Misère, la Mort et le bûcheron, ou la Mort casquée, tantôt un modelé souple, subtil et sensuel, comme Léda. Il excelle aussi comme portraitiste. « Chacun de ses portraits est une remarquable étude psychologique du modèle »[3] (Buste de femme, marbre, 1896, Petit-Palais ; Buste de Rodin, bronze 1901 ; Buste de Rodin, pierre, 1910).
En 1898, Desbois rejoint le groupe "l'Art dans tout" en 1898, mouvement artistique qui, de 1896 à 1901, a réuni des architectes, des peintres, des graveurs, des sculpteurs. Ce mouvement, qui artistiquement s’inscrit dans la tendance de l’Art nouveau, imagine une production industrielle appliquée aux arts décoratifs (mobilier, aménagement intérieur, objets utilitaires de la vie courante). Alexandre Charpentier, Félix Aubert, Jean Dampt, Henri Nocq, Charles Plumet, Tony Selmersheim et Etienne Moreau-Nélaton sont à l'origine de ce groupe. Avec eux, par trois fois, à la galerie des Artistes modernes à Paris, il expose des objets décoratifs (bijoux, vaisselle, étains), objets qui l'ont fait découvrir à la SNBA dès 1892.
Comme Rodin, Desbois est amoureux du corps féminin, il en fait son sujet privilégié qu’il introduit jusque dans ses essais d’art décoratif. Son influence n’est pas à contester. Rodin, maître et ami, a révélé à Desbois sa vraie nature de sculpteur. Mais l’influence est réciproque. Quand Desbois entre dans son atelier vers 1884, il est plus qu’un praticien de premier ordre, mais est aussi, dans une mesure difficile à quantifier, le coauteur de certaines œuvres comme le Monument à Claude Lorrain. La Misère précède et non suit La belle heaulmière de Rodin et témoigne de cette imbrication de ces deux talents.
A sa mort en 1935, son fonds d’atelier fut partagé entre trois musées : Angers, Saumur et Tours. Un Musée Jules Desbois a ouvert à Parcay-Les-Pins dans la maison natale du sculpteur en 2001.
[1] En 1907, pour l’exposition de la Porcelaine du Musée Galliéra, c’est Desbois qui exécute cinq pièces d’après les compositions de Rodin.
[2] Dans la mythologie, Léda est étreinte par un cygne.
[3] Véronique WIESINGER, , « Jules Desbois (1851-1935), sculpteur ou imitateur de Rodin ? », Bulletin de la Société de l’Histoire de l’Art français, Séance du 9 novembre 1985, p. 322.