HENRI MARTIN
MARTIN, Henri (5 août 1860 – 12 novembre 1943) :
Nous savons peu de choses de son enfance. Il montre assez vite un don artistique. Mais sa famille le destinant au commerce, il passe d’abord par un stage chez un marchand de draps. Ses parents décident pourtant de favoriser sa vocation devenue irrésistible. Il entre donc à l’Ecole des Beaux-Arts de Toulouse et devient l’élève de Jules Garepuy (1817-1893). Sujet de premier ordre, il ne tarde pas à connaître des succès scolaires : en 1879, il obtient le Grand Prix et pourvu de cette bourse annuelle de quinze cents francs, il est envoyé à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris où il est admis dans l’atelier de Jean-Paul Laurens. Dès 1880, il envoie au Salon des Artistes français un tableau intitulé Le Désespéré (Musée de Toulouse). Une bourse de voyage lui permet en 1885 d’étudier les primitifs italiens, en compagnie de ses amis peintres Laurent et d’Aman-Jean.
En 1883, sa Francesca da Rimini est acclamée par les artistes, récompensée par une première médaille et acquise par l’Etat qui l’envoya au Musée de Carcassonne. Dans cette toile il témoigne de son désir d’être l’interprète des poètes et, dès 1887, Henri Martin le réalise plus complètement. Il cherche à illustrer en de grandes compositions, les écrivains qu’il admire, Dante, Byron, Musset ou Baudelaire (Fleurs du mal, 1890 ; Chacun sa chimère, 1891, Musée de Bordeaux).
En 1889, sa manière change sous l’influence des néo-impressionnistes dont il adopte les touches juxtaposées pointillistes et les couleurs claires, et est voisine de celle d’Ernest Laurent ou de Segantini. Cette année il présente un vaste panneau pointilliste La Fête de la Fédération (Musée de Toulouse) qui fit grand bruit.
Il fréquente les milieux symbolistes et expose en 1892, avec Aman-Jean, au 1er Salon de la Rose+Croix, Douleur. Il s’inspire alors de Puvis de Chavannes et de Gustave Moreau. Une série de tableaux (Fatalité, A chacun sa chimère, L’Homme entre le vice et la vertu) montrent des personnages allégoriques évoluant dans une lumière blafarde foulant des chardons.
Hors de France, il participe notamment à la Sécession munichoise dès 1893, à Bruxelles à la « Libre Esthétique » en 1896 et 1903, et à la Sécession viennoise en 1898. A Paris, il reste fidèle au Salon des Artistes français où il expose régulièrement d’immenses toiles appréciées de Puvis de Chavannes qui le considère comme son héritier dans le domaine de la décoration : il en a l’esprit simplificateur et peuple ses sous-bois des même muses porteuses de lyres (Sérénité, Salon de 1899, Musée du Luxembourg puis Musée des Beaux-Arts de Nantes). Dès 1902, s’annonce une nouvelle évolution vers le paysage lumineux, naturaliste teinté d’impressionnisme, sensible dans les grandes décorations pour le Capitole de Toulouse, notamment le fameux triptyque des Faucheurs. Il reçoit les honneurs : Médaille d’Or à l’Exposition universelle de 1889, Grand Prix à l’Exposition universelle de 1900 et Médaille d’honneur au Salon de 1907.
Comme le dit Henry Marcel :
« A l’heure qu’il est, notre artiste tient, avec Besnard, la tête de la Peinture monumentale. C’est, pourrait-on dire, un Puvis moins épris du rythme des lignes, mais doué d’une même compréhension de la nature, qu’il voit seulement plus blonde, plus tiède, plus riante. »[1]
Il fut l’un des décorateurs officiels les plus choyés et les plus chargés de commandes sous la IIIe République avec Jean-Paul Laurens et Puvis de Chavannes, auxquels il faut ajouter Benjamin-Constant, si une mort prématurée n’avait pas mis fin à une brillante carrière précise Pierre Vaisse.[2]
La liste est longue.
Dès 1895, il travaille pour le plafond de l’Hôtel de Ville de Paris, Apollon et les Muses. Ce travail de décorateur annonce le triomphe qu’il rencontre plus tard avec ses panneaux pour le Capitole : La Peinture, La Sculpture, La Musique, La Littérature. Le cycle date de 1900-1908. A Toulouse parmi ses promeneurs des bords de la Garonne, il a représenté Jean Jaurès se promenant le long de la Garonne, ainsi que les peintres Bonis et Jean-Paul Laurens, plusieurs membres de sa famille et d’autres amis et connaissances.
Il réalise des panneaux pour la Sorbonne (l’Etude de 1905-1908). Dans l’Etude, nous reconnaissons Anatole France entouré du peintre Ernest Laurent. Il a sans doute voulu rendre hommage à Anatole France, dont les autres personnages, des familiers du peintre, recueillent les paroles avec une attention déférente. Déjà en 1889 Henri Martin avait été chargé par l’Etat et par la ville d’Agen, pour l’hôtel de ville local de commémorer le passage du président Carnot.
Il décore les murs de la salle des Assemblées au Conseil d’Etat, à l’Hôtel de ville de Paris commandé en 1914 terminé en 1922, un cabinet à l’Elysée (1908), la Mairie du Xe arrondissement de Paris, le plafond de la salle des commissions de l’hôtel de ville du XIIe (grandes ordonnances calmes, paysages sereins et rythmés par des groupes ou des personnages aux gestes lents et nobles), à la Mairie du Ve arrondissement place du Panthéon en 1935 (à l’intérieur se sont des toiles plus riantes, aux teintes délicates, qui occupent les grands panneaux séparés par des colonnes engagées tapissant les parois circulaires de l’escalier d’honneur. Elles composent une fresque, la Vie dans les jardins du Luxembourg), à la Mairie du Xe rue du faubourg St Martin (Salle des mariages, panneau représentant une scène rurale).
Il reçoit donc un grand nombre de commandes pour Paris mais aussi pour d’autres grandes villes françaises. Le Travail, triptyque pour la caisse d’épargne de Marseille, nous montre un Henri Martin peintre de la vie et du monument. Il utilise ce même thème pour la Mairie du VIe, place Saint-Sulpice. A l’intérieur, la cage de l’escalier d’honneur en pierre, est ornée d’une allégorie du Travail peinte en 1914.
A l’Hôtel de ville de Tours, il peint le plafond de la salle des commissions l’Aurore en 1899. Il travaille aussi pour la chambre de commerce de Béziers et la préfecture de Cahors.
« C’est à son exemple que de nombreux peintres formés dans le dernier tiers du siècle durent leur goût de la muraille et leur sens des valeurs décoratives ; c’est en grande partie à son exemple que la décoration des édifices publics abandonne, partiellement du moins, les allégories et les mythologies pour une réalité rustique et idyllique. C’est de lui que procède l’invasion de cette peinture de paysage. »[3]
En dehors de ses nombreuses décorations, il se révèle aussi dans ses tableaux de chevalet un paysagiste sensible à la lumière méridionale dans un jeu de variations de couleurs (il habite le Lot à Marquayrol, puis s’achète pour l’été en 1923 une maison à Collioure). Quoique s’étant éloigné de l’inspiration symboliste pour des sujets plus ruraux et contemporains, il en gardera toujours une prédisposition pour la poésie des attitudes, l’atmosphère diffuse des paysages et une certaine spiritualisation des formes.
Edmond Rostand, qui avait fait appel à Jean Veber, H. Caro-Delvaille, à Clémence Dufau, à L. Pascau, à G. Delaw, pour embellir la villa Arnaga, à Cambo, demanda à Henri Martin le tableau qui figura au Salon de 1905, Lecture.
Il fit des expositions personnelles, en dehors de sa participation à la « Société Nouvelle », qui eurent un grand succès (Galerie Mancini, 1896, Galerie Georges Petit, 1910 et 1926).
Elu membre de l’Académie des Beaux-Arts le 24 novembre 1917, puis vice-président en 1924, il est nommé commandeur de la légion d’honneur en 1914. Il appartenait à la Franc-Maçonnerie.
[1] Henry MARCEL, « Salons de 1903. Henri Martin », Art et décoration, 1903, mai, n°5, p. 141-148.
[2] Pierre VAISSE.- La IIIème république et les peintres.– Paris : Flammarion, 1995. p. 245.
[3] Ibid.
- Participations : 1900 à 1905, de 1907 à 1914.
- présent en : 1918, 1919, 1920, 1921, 1922.
Nous savons peu de choses de son enfance. Il montre assez vite un don artistique. Mais sa famille le destinant au commerce, il passe d’abord par un stage chez un marchand de draps. Ses parents décident pourtant de favoriser sa vocation devenue irrésistible. Il entre donc à l’Ecole des Beaux-Arts de Toulouse et devient l’élève de Jules Garepuy (1817-1893). Sujet de premier ordre, il ne tarde pas à connaître des succès scolaires : en 1879, il obtient le Grand Prix et pourvu de cette bourse annuelle de quinze cents francs, il est envoyé à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris où il est admis dans l’atelier de Jean-Paul Laurens. Dès 1880, il envoie au Salon des Artistes français un tableau intitulé Le Désespéré (Musée de Toulouse). Une bourse de voyage lui permet en 1885 d’étudier les primitifs italiens, en compagnie de ses amis peintres Laurent et d’Aman-Jean.
En 1883, sa Francesca da Rimini est acclamée par les artistes, récompensée par une première médaille et acquise par l’Etat qui l’envoya au Musée de Carcassonne. Dans cette toile il témoigne de son désir d’être l’interprète des poètes et, dès 1887, Henri Martin le réalise plus complètement. Il cherche à illustrer en de grandes compositions, les écrivains qu’il admire, Dante, Byron, Musset ou Baudelaire (Fleurs du mal, 1890 ; Chacun sa chimère, 1891, Musée de Bordeaux).
En 1889, sa manière change sous l’influence des néo-impressionnistes dont il adopte les touches juxtaposées pointillistes et les couleurs claires, et est voisine de celle d’Ernest Laurent ou de Segantini. Cette année il présente un vaste panneau pointilliste La Fête de la Fédération (Musée de Toulouse) qui fit grand bruit.
Il fréquente les milieux symbolistes et expose en 1892, avec Aman-Jean, au 1er Salon de la Rose+Croix, Douleur. Il s’inspire alors de Puvis de Chavannes et de Gustave Moreau. Une série de tableaux (Fatalité, A chacun sa chimère, L’Homme entre le vice et la vertu) montrent des personnages allégoriques évoluant dans une lumière blafarde foulant des chardons.
Hors de France, il participe notamment à la Sécession munichoise dès 1893, à Bruxelles à la « Libre Esthétique » en 1896 et 1903, et à la Sécession viennoise en 1898. A Paris, il reste fidèle au Salon des Artistes français où il expose régulièrement d’immenses toiles appréciées de Puvis de Chavannes qui le considère comme son héritier dans le domaine de la décoration : il en a l’esprit simplificateur et peuple ses sous-bois des même muses porteuses de lyres (Sérénité, Salon de 1899, Musée du Luxembourg puis Musée des Beaux-Arts de Nantes). Dès 1902, s’annonce une nouvelle évolution vers le paysage lumineux, naturaliste teinté d’impressionnisme, sensible dans les grandes décorations pour le Capitole de Toulouse, notamment le fameux triptyque des Faucheurs. Il reçoit les honneurs : Médaille d’Or à l’Exposition universelle de 1889, Grand Prix à l’Exposition universelle de 1900 et Médaille d’honneur au Salon de 1907.
Comme le dit Henry Marcel :
« A l’heure qu’il est, notre artiste tient, avec Besnard, la tête de la Peinture monumentale. C’est, pourrait-on dire, un Puvis moins épris du rythme des lignes, mais doué d’une même compréhension de la nature, qu’il voit seulement plus blonde, plus tiède, plus riante. »[1]
Il fut l’un des décorateurs officiels les plus choyés et les plus chargés de commandes sous la IIIe République avec Jean-Paul Laurens et Puvis de Chavannes, auxquels il faut ajouter Benjamin-Constant, si une mort prématurée n’avait pas mis fin à une brillante carrière précise Pierre Vaisse.[2]
La liste est longue.
Dès 1895, il travaille pour le plafond de l’Hôtel de Ville de Paris, Apollon et les Muses. Ce travail de décorateur annonce le triomphe qu’il rencontre plus tard avec ses panneaux pour le Capitole : La Peinture, La Sculpture, La Musique, La Littérature. Le cycle date de 1900-1908. A Toulouse parmi ses promeneurs des bords de la Garonne, il a représenté Jean Jaurès se promenant le long de la Garonne, ainsi que les peintres Bonis et Jean-Paul Laurens, plusieurs membres de sa famille et d’autres amis et connaissances.
Il réalise des panneaux pour la Sorbonne (l’Etude de 1905-1908). Dans l’Etude, nous reconnaissons Anatole France entouré du peintre Ernest Laurent. Il a sans doute voulu rendre hommage à Anatole France, dont les autres personnages, des familiers du peintre, recueillent les paroles avec une attention déférente. Déjà en 1889 Henri Martin avait été chargé par l’Etat et par la ville d’Agen, pour l’hôtel de ville local de commémorer le passage du président Carnot.
Il décore les murs de la salle des Assemblées au Conseil d’Etat, à l’Hôtel de ville de Paris commandé en 1914 terminé en 1922, un cabinet à l’Elysée (1908), la Mairie du Xe arrondissement de Paris, le plafond de la salle des commissions de l’hôtel de ville du XIIe (grandes ordonnances calmes, paysages sereins et rythmés par des groupes ou des personnages aux gestes lents et nobles), à la Mairie du Ve arrondissement place du Panthéon en 1935 (à l’intérieur se sont des toiles plus riantes, aux teintes délicates, qui occupent les grands panneaux séparés par des colonnes engagées tapissant les parois circulaires de l’escalier d’honneur. Elles composent une fresque, la Vie dans les jardins du Luxembourg), à la Mairie du Xe rue du faubourg St Martin (Salle des mariages, panneau représentant une scène rurale).
Il reçoit donc un grand nombre de commandes pour Paris mais aussi pour d’autres grandes villes françaises. Le Travail, triptyque pour la caisse d’épargne de Marseille, nous montre un Henri Martin peintre de la vie et du monument. Il utilise ce même thème pour la Mairie du VIe, place Saint-Sulpice. A l’intérieur, la cage de l’escalier d’honneur en pierre, est ornée d’une allégorie du Travail peinte en 1914.
A l’Hôtel de ville de Tours, il peint le plafond de la salle des commissions l’Aurore en 1899. Il travaille aussi pour la chambre de commerce de Béziers et la préfecture de Cahors.
« C’est à son exemple que de nombreux peintres formés dans le dernier tiers du siècle durent leur goût de la muraille et leur sens des valeurs décoratives ; c’est en grande partie à son exemple que la décoration des édifices publics abandonne, partiellement du moins, les allégories et les mythologies pour une réalité rustique et idyllique. C’est de lui que procède l’invasion de cette peinture de paysage. »[3]
En dehors de ses nombreuses décorations, il se révèle aussi dans ses tableaux de chevalet un paysagiste sensible à la lumière méridionale dans un jeu de variations de couleurs (il habite le Lot à Marquayrol, puis s’achète pour l’été en 1923 une maison à Collioure). Quoique s’étant éloigné de l’inspiration symboliste pour des sujets plus ruraux et contemporains, il en gardera toujours une prédisposition pour la poésie des attitudes, l’atmosphère diffuse des paysages et une certaine spiritualisation des formes.
Edmond Rostand, qui avait fait appel à Jean Veber, H. Caro-Delvaille, à Clémence Dufau, à L. Pascau, à G. Delaw, pour embellir la villa Arnaga, à Cambo, demanda à Henri Martin le tableau qui figura au Salon de 1905, Lecture.
Il fit des expositions personnelles, en dehors de sa participation à la « Société Nouvelle », qui eurent un grand succès (Galerie Mancini, 1896, Galerie Georges Petit, 1910 et 1926).
Elu membre de l’Académie des Beaux-Arts le 24 novembre 1917, puis vice-président en 1924, il est nommé commandeur de la légion d’honneur en 1914. Il appartenait à la Franc-Maçonnerie.
[1] Henry MARCEL, « Salons de 1903. Henri Martin », Art et décoration, 1903, mai, n°5, p. 141-148.
[2] Pierre VAISSE.- La IIIème république et les peintres.– Paris : Flammarion, 1995. p. 245.
[3] Ibid.