Edmond Aman-Jean
AMAN-JEAN, Edmond (Aman Edmond Jean dit) (13 janvier 1858-1935) :
Fils de bourgeois, il reçoit de son oncle et des jésuites chez qui il est pensionnaire (à la suite de la mort de ses parents) une éducation classique et traditionnelle. Aman-Jean est le meilleur ami de Seurat, rencontré en 1876 à l’école municipale de dessin 19, rue des Petits-Hôtels dirigée par Justin Lequien (1826-1882), et avec lequel il entre aux Beaux-Arts en 1878 dans l’atelier de Henri Lehmann (1814-1882). En 1881, Aman-Jean, qui ne semble plus fréquenter les Beaux-Arts après 1880, est locataire d’un atelier au 32, rue de l’Arbalète où il accueille Seurat. Ils vont y vivre pendant sept ans ; atelier qu’Aman-Jean loue grâce au maigre héritage de son oncle.
Aux Beaux-Arts, ils font la connaissance de Henri Martin (avec qui il partage une bourse en 1885 et partent en Italie avec Ernest Laurent également boursier). Ernest Laurent devient lui aussi locataire de la rue de l’Arbalète.
Aman-Jean va souvent étudier au Louvre. A partir de 1883, il reçoit des conseils de Puvis de Chavannes chez lequel il va parfois en compagnie de Seurat et de Laurent quadriller les cartons et mettre en place ses compositions murales : il travaille alors à la mise au carreau du Bois sacré (Salon de 1884). En 1886, il s’inscrit chez lui comme élève.
Son dessin est précis, et ses teintes effacées. Il se consacre essentiellement à l’image de la femme[1] à travers le nu et le portrait qui le font classer vers 1895, parmi les « peintres de l’âme »[2]. Ses influences sont multiples et son art se situe à la frontière de plusieurs mouvements : le Symbolisme de Puvis de Chavannes du Salon de la Rose+Croix[3], le Pointillisme et les recherches nabies, notamment celles de Bonnard vont l’intéresser. Comme Seurat, il est aussi séduit par les œuvres exposées à la quatrième manifestation impressionniste de 1879, qui sera pour eux une révélation. Pourtant, Aman-Jean ne suivra pas son ami dans la voie néo-impressionniste.
Les influences littéraires seront, elles aussi, nombreuses et fondatrices. Il compose des œuvres allégoriques d’inspiration littéraire. Le chroniqueur anarchiste Robert Caze, qui réunit chez lui, chaque lundi, ses amis de la littérature symboliste (Paul Adam, Félix Fénéon, Jean Moréas, Henri de Régnier, Mallarmé et Huysmans), invite également Aman-Jean et Seurat. Il participe aussi aux fameux « mardis » de Mallarmé, rue de Rome ; il y croise Bonnard, Denis, Gustave Kahn, Gide, Claudel, Henri de Régnier. Ses fréquentations littéraires le poussent un temps vers le symbolisme avant qu’il n’opte pour une peinture plus intimiste. Il rédige quelques articles dans la revue Notes d’art et d’archéologie, sur Venise et Assise (qu’il connaît bien) et puis dans L’Art dans les deux mondes, sur Puvis de Chavannes.
Il est tout particulièrement lié à Verlaine (dont il fait le portrait en 1892 : Verlaine à l’hôpital Broussais) qui devient un ami de la famille jusqu’à sa mort en 1896. Le peintre a, peut-être, été influencé par la rêverie et l’émotion qui caractérisent l’œuvre du poète. Il entretient avec lui une relation également épistolaire[4]. En 1891, grâce à Léonce Bénédite, il commence un travail lithographique en noir et blanc (en 1897, ses commandes passeront à la couleur) pour la revue (laquelle ??).
Après avoir exposé régulièrement au Salon des Artistes français dès 1883, il rejoint en 1892 ses amis Rodin, Besnard, Puvis de Chavannes[5] qui ont créé en 1890, le Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts. Il en devient sociétaire en 1893 et membre du jury par la suite. Il expose à la Sécession de Munich en 1893 et au premier Salon d’Automne en 1903. Il est membre du jury de l’Institut Carnegie en 1902. A l’exposition universelle, il reçoit une médaille d’or et est fait chevalier de la Légion d’honneur. Autour de 1900, Aman-Jean participe à des expositions en Belgique, à Barcelone, en Hollande, en Grande-Bretagne, à Vienne ou le groupe Sécession l’invite, et bientôt aux Etats-Unis ; sa renommée y est grande. Il y réalise régulièrement des portraits de la haute bourgeoisie américaine. En 1904, il expose avec succès à New-York chez le marchand Charles Glaenzer, participe à une exposition à Cincinnati et donne une conférence sur l’évolution de l’art en Amérique à Pittsburgh.
Son succès est total. Sa culture[6] et son esprit raffiné[7] font de lui un hôte de choix. Il est très couru.
« Aman-Jean se passionne pour tout ce qui est beau et élevé, grand et noble. Sa plume vaut son pinceau, et je connais par exemple, peu d’ouvrages de critique qui vaillent son étude sur Velázquez, livre de penseur et de philosophe faisant lumineusement comprendre le génie du maître espagnol. Il y a là des pages de haute culture qu’on ne peut oublier, pas plus qu’on n’oubliera le discours d’une superbe envolée prononcé au banquet offert à Besnard, à son retour de l’Inde, par le Syndicat de la Presse artistique »[8]
Sa femme étant souvent souffrante, c’est accompagné de son fils qu’il se rend dans les réunions et réceptions mondaines : chez les Simon, Cottet, Louÿs, chez Albert Besnard qui reçoit dans son hôtel particulier de la rue Guillaume-Tell, chez Henri de Régnier, le peintre catalan José Maria Sert (1874 - 1945)[9] et bien sûr Mallarmé, Claudel, Paul Valéry et parfois le compositeur Vincent d’Indy.
Dès 1894 Roger Marx écrit « Quant l’Etat et la Ville confieront-ils à M. Aman-Jean une muraille pour faire vivre à jamais son rêve ? » Son travail de décorateur est lui aussi reconnu et demandé. En 1900, il reçoit une commande de l’Etat pour quatre panneaux destinés au Pavillon de Marsan, au Louvre (la Comédie, inspirée de la Fête chez Thérèse de Victor Hugo, la Collation…). En 1908, il reçoit une commande décorative pour Château-Thierry chez Jules Maciet[10]. Enfin, en 1912, il réalise des panneaux décoratifs, Les Quatre Eléments, pour l’amphithéâtre de chimie de la Nouvelle Sorbonne, aujourd’hui retirés. A l’étranger, il décore la Chambre des députés de l’Etat du Chili (La Loi et La Force) en 1913. Ainsi il s’oblige à quitter le portrait de la jolie femme qui l’a rendu célèbre, pour couvrir de vastes surfaces à la manière de Puvis de Chavannes, dans un esprit symbolique et imaginatif.
En 1922-23, avec quelques membres de la « Société Nouvelle » et participants à la Nationale, il crée le Salon des Tuileries[11].
Aman-Jean a d’autres cordes à son arc, il sera l’intermédiaire de Mahmoud Khalil[12] pour les marchands, et conseiller du peintre Torajiro Kojima[13]. Les collections du Musée de Kurashiki, au Japon, constituée à cette époque par le peintre japonais, contiennent des œuvres de Millet, Monet, Pissarro, Rodin, Gauguin, Aman-Jean, bien entendu, ou encore Marquet.
« Aman-Jean apparaît comme une sorte de médiateur pour ces étrangers en quête de ce qu’il y a de meilleur dans l’art français, comme le tenant du goût officiel qui est aussi celui de Léonce Bénédite, le conservateur du Musée du Luxembourg à Paris, le Musée d’art moderne de l’époque ; on sait le rôle important que ce dernier eût dans ces mêmes années comme conseiller du richissime japonais Kojiro Matsukata, un des plus boulimiques collectionneurs de l’époque dont une infime partie des immenses collections constitue le fonds du Musée national d’art occidental de Tokyo. »[14]
En 1911, il est nommé conservateur du Musée de Château-Thierry (où il a longtemps vécu), créé dans la demeure où naquit Jean de La Fontaine. La même année il hérite de son cousin, Jules Maciet, une forte somme et d’une maison à Prémartine. En 1918, il accepte également la vice-présidence du Musée Rodin fondé par son ami Léonce Bénédite en 1917. Il reçoit également un beau succès critique lors de la parution d’une monographie qu’il a écrite sur Velázquez en 1913[15].
NOTES
[1] Son épouse Thadée Jacquet est sa principale source d’inspiration.
[2] Henri Bérenger, dans la revue l’Art et la vie, lui consacre, en novembre 1893, un article dans la série des « Peintres de l’âme », p. 33-37.
A la suite de cet article, dans ce même numéro, on trouve un article sur Fra Angelico d’Aman-Jean.
[3] Il rencontre Joséphin Péladan par l’intermédiaire de Paul Adam qui lui propose de participé au Salon de la Rose+Croix qui a lieu chez Durand-Ruel de 1892 à 1897. Il réalise au second salon, une affiche (Beatrix) sur le thème de Dante et Béatrice, inspirée par Rossetti. Il est présent en 1892 et 1893.
[4] Centre de documentation, Musée de la Chartreuse, Douai.
[5] Puvis de Chavannes est témoin de son mariage en 1890.
[6] Il a écrit sur Velázquez en 1913, fait des comptes rendus du Salon de la Nationale notamment sur l'Art japonais en 1922 dans la Revue de l'Art ancien et moderne.
[7] Dans les autographes de Jacques Doucet, nous trouvons une lettre du 22 novembre 1902 destinée à un René (Ménard ou Prinet) qui révèle la personnalité de l’homme :
Mon cher René,
« Si dans quelques temps vous le voyez à Paris (M. Meletta), il vous dira de l’Amérique et des américains tout le mal possible ; ne le croyez qu’à demi. Je ne suis pas pour mon compte du tout de cet avis. Je continue à être impressionné par ce pays. Je vois bien ce qu’il y a d’âpre et de brutal même, mais je trouve cela. « viable ? » (appréciable ?) parce que c’est la force. Notre épiderme sensible de gens très civilisés peut parfois souffrir de cela, mais toute notre délicatesse ne vaut ni l’énergie ni l’audace dont on a le spectacle. (…) ».
Mille amitiés.
[8] Jourdain, Frantz.- Au pays du souvenir.- Paris : les Editions Crès et Cie, 1922, p. 63.
[9] Il décora le salon de l’atelier d’Auteuil de Blanche. En 1920, il épousa la muse de Mallarmé et de Debussy, ancienne épouse de Thadée Nathanson, Misia Edwards (1872 – 1950).
[10] Cousin et mécène d’Aman-Jean, fondateur de la Bibliothèque des Arts Décoratifs Jules Maciet est un grand acheteur. Il fait don de ce décor au Louvre et au Musée des Arts décoratifs. C’est lui qui pousse Georges Petit à exposer Aman-Jean.
[12] Mahmoud Khalil (1877-1953), est un égyptien qui a fait ses études de droit en France et épousé Emilienne Hector Louis. Il est vice-président, puis président de la « Société des amateurs des Beaux-Arts » fondée en Egypte en 1923 sous le patronage du président Fouad, au pouvoir depuis 1917. Il fut aussi commissaire général du pavillon égyptien à l’exposition international de 1937 à Paris. Il est président du sénat entre 1939 et 1940. Le 20 octobre 1948 il est élu correspondant de l’Académie française des Beaux-Arts, et en devient membre en 1949.
[13] Aman-Jean fait découvrir l’art contemporain au peintre japonais Kojima (1881-1929) ; il a été son élève en 1912. Ce dernier est chargé d’acheter à Paris pour son compatriote, le grand industriel Magosaburo Ohara.
[14] Les oubliés du Caire : chefs d’œuvre des musées du Caire, Ingres, Courbet, Monet, Rodin, Gauguin : Musée d’Orsay, 5 octobre 1994 - 8 janvier 1995.- Catalogue par Geneviève LACAMBRE.- Paris : AFAA : Réunion des musées nationaux. p. 19.
[15] Edmond AMAN-JEAN.- Velázquez.- Paris : F. Alcan, 1913. 148 p.
- Participations : 1900, 1901, 1902, 1906, 1907, 1908, 1909, 1910, 1911, 1912, 1913,
- Sociétaire, sans exposer : 1904, 1914
- Présent : 1918, 1919, 1920, 1921.
Fils de bourgeois, il reçoit de son oncle et des jésuites chez qui il est pensionnaire (à la suite de la mort de ses parents) une éducation classique et traditionnelle. Aman-Jean est le meilleur ami de Seurat, rencontré en 1876 à l’école municipale de dessin 19, rue des Petits-Hôtels dirigée par Justin Lequien (1826-1882), et avec lequel il entre aux Beaux-Arts en 1878 dans l’atelier de Henri Lehmann (1814-1882). En 1881, Aman-Jean, qui ne semble plus fréquenter les Beaux-Arts après 1880, est locataire d’un atelier au 32, rue de l’Arbalète où il accueille Seurat. Ils vont y vivre pendant sept ans ; atelier qu’Aman-Jean loue grâce au maigre héritage de son oncle.
Aux Beaux-Arts, ils font la connaissance de Henri Martin (avec qui il partage une bourse en 1885 et partent en Italie avec Ernest Laurent également boursier). Ernest Laurent devient lui aussi locataire de la rue de l’Arbalète.
Aman-Jean va souvent étudier au Louvre. A partir de 1883, il reçoit des conseils de Puvis de Chavannes chez lequel il va parfois en compagnie de Seurat et de Laurent quadriller les cartons et mettre en place ses compositions murales : il travaille alors à la mise au carreau du Bois sacré (Salon de 1884). En 1886, il s’inscrit chez lui comme élève.
Son dessin est précis, et ses teintes effacées. Il se consacre essentiellement à l’image de la femme[1] à travers le nu et le portrait qui le font classer vers 1895, parmi les « peintres de l’âme »[2]. Ses influences sont multiples et son art se situe à la frontière de plusieurs mouvements : le Symbolisme de Puvis de Chavannes du Salon de la Rose+Croix[3], le Pointillisme et les recherches nabies, notamment celles de Bonnard vont l’intéresser. Comme Seurat, il est aussi séduit par les œuvres exposées à la quatrième manifestation impressionniste de 1879, qui sera pour eux une révélation. Pourtant, Aman-Jean ne suivra pas son ami dans la voie néo-impressionniste.
Les influences littéraires seront, elles aussi, nombreuses et fondatrices. Il compose des œuvres allégoriques d’inspiration littéraire. Le chroniqueur anarchiste Robert Caze, qui réunit chez lui, chaque lundi, ses amis de la littérature symboliste (Paul Adam, Félix Fénéon, Jean Moréas, Henri de Régnier, Mallarmé et Huysmans), invite également Aman-Jean et Seurat. Il participe aussi aux fameux « mardis » de Mallarmé, rue de Rome ; il y croise Bonnard, Denis, Gustave Kahn, Gide, Claudel, Henri de Régnier. Ses fréquentations littéraires le poussent un temps vers le symbolisme avant qu’il n’opte pour une peinture plus intimiste. Il rédige quelques articles dans la revue Notes d’art et d’archéologie, sur Venise et Assise (qu’il connaît bien) et puis dans L’Art dans les deux mondes, sur Puvis de Chavannes.
Il est tout particulièrement lié à Verlaine (dont il fait le portrait en 1892 : Verlaine à l’hôpital Broussais) qui devient un ami de la famille jusqu’à sa mort en 1896. Le peintre a, peut-être, été influencé par la rêverie et l’émotion qui caractérisent l’œuvre du poète. Il entretient avec lui une relation également épistolaire[4]. En 1891, grâce à Léonce Bénédite, il commence un travail lithographique en noir et blanc (en 1897, ses commandes passeront à la couleur) pour la revue (laquelle ??).
Après avoir exposé régulièrement au Salon des Artistes français dès 1883, il rejoint en 1892 ses amis Rodin, Besnard, Puvis de Chavannes[5] qui ont créé en 1890, le Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts. Il en devient sociétaire en 1893 et membre du jury par la suite. Il expose à la Sécession de Munich en 1893 et au premier Salon d’Automne en 1903. Il est membre du jury de l’Institut Carnegie en 1902. A l’exposition universelle, il reçoit une médaille d’or et est fait chevalier de la Légion d’honneur. Autour de 1900, Aman-Jean participe à des expositions en Belgique, à Barcelone, en Hollande, en Grande-Bretagne, à Vienne ou le groupe Sécession l’invite, et bientôt aux Etats-Unis ; sa renommée y est grande. Il y réalise régulièrement des portraits de la haute bourgeoisie américaine. En 1904, il expose avec succès à New-York chez le marchand Charles Glaenzer, participe à une exposition à Cincinnati et donne une conférence sur l’évolution de l’art en Amérique à Pittsburgh.
Son succès est total. Sa culture[6] et son esprit raffiné[7] font de lui un hôte de choix. Il est très couru.
« Aman-Jean se passionne pour tout ce qui est beau et élevé, grand et noble. Sa plume vaut son pinceau, et je connais par exemple, peu d’ouvrages de critique qui vaillent son étude sur Velázquez, livre de penseur et de philosophe faisant lumineusement comprendre le génie du maître espagnol. Il y a là des pages de haute culture qu’on ne peut oublier, pas plus qu’on n’oubliera le discours d’une superbe envolée prononcé au banquet offert à Besnard, à son retour de l’Inde, par le Syndicat de la Presse artistique »[8]
Sa femme étant souvent souffrante, c’est accompagné de son fils qu’il se rend dans les réunions et réceptions mondaines : chez les Simon, Cottet, Louÿs, chez Albert Besnard qui reçoit dans son hôtel particulier de la rue Guillaume-Tell, chez Henri de Régnier, le peintre catalan José Maria Sert (1874 - 1945)[9] et bien sûr Mallarmé, Claudel, Paul Valéry et parfois le compositeur Vincent d’Indy.
Dès 1894 Roger Marx écrit « Quant l’Etat et la Ville confieront-ils à M. Aman-Jean une muraille pour faire vivre à jamais son rêve ? » Son travail de décorateur est lui aussi reconnu et demandé. En 1900, il reçoit une commande de l’Etat pour quatre panneaux destinés au Pavillon de Marsan, au Louvre (la Comédie, inspirée de la Fête chez Thérèse de Victor Hugo, la Collation…). En 1908, il reçoit une commande décorative pour Château-Thierry chez Jules Maciet[10]. Enfin, en 1912, il réalise des panneaux décoratifs, Les Quatre Eléments, pour l’amphithéâtre de chimie de la Nouvelle Sorbonne, aujourd’hui retirés. A l’étranger, il décore la Chambre des députés de l’Etat du Chili (La Loi et La Force) en 1913. Ainsi il s’oblige à quitter le portrait de la jolie femme qui l’a rendu célèbre, pour couvrir de vastes surfaces à la manière de Puvis de Chavannes, dans un esprit symbolique et imaginatif.
En 1922-23, avec quelques membres de la « Société Nouvelle » et participants à la Nationale, il crée le Salon des Tuileries[11].
Aman-Jean a d’autres cordes à son arc, il sera l’intermédiaire de Mahmoud Khalil[12] pour les marchands, et conseiller du peintre Torajiro Kojima[13]. Les collections du Musée de Kurashiki, au Japon, constituée à cette époque par le peintre japonais, contiennent des œuvres de Millet, Monet, Pissarro, Rodin, Gauguin, Aman-Jean, bien entendu, ou encore Marquet.
« Aman-Jean apparaît comme une sorte de médiateur pour ces étrangers en quête de ce qu’il y a de meilleur dans l’art français, comme le tenant du goût officiel qui est aussi celui de Léonce Bénédite, le conservateur du Musée du Luxembourg à Paris, le Musée d’art moderne de l’époque ; on sait le rôle important que ce dernier eût dans ces mêmes années comme conseiller du richissime japonais Kojiro Matsukata, un des plus boulimiques collectionneurs de l’époque dont une infime partie des immenses collections constitue le fonds du Musée national d’art occidental de Tokyo. »[14]
En 1911, il est nommé conservateur du Musée de Château-Thierry (où il a longtemps vécu), créé dans la demeure où naquit Jean de La Fontaine. La même année il hérite de son cousin, Jules Maciet, une forte somme et d’une maison à Prémartine. En 1918, il accepte également la vice-présidence du Musée Rodin fondé par son ami Léonce Bénédite en 1917. Il reçoit également un beau succès critique lors de la parution d’une monographie qu’il a écrite sur Velázquez en 1913[15].
NOTES
[1] Son épouse Thadée Jacquet est sa principale source d’inspiration.
[2] Henri Bérenger, dans la revue l’Art et la vie, lui consacre, en novembre 1893, un article dans la série des « Peintres de l’âme », p. 33-37.
A la suite de cet article, dans ce même numéro, on trouve un article sur Fra Angelico d’Aman-Jean.
[3] Il rencontre Joséphin Péladan par l’intermédiaire de Paul Adam qui lui propose de participé au Salon de la Rose+Croix qui a lieu chez Durand-Ruel de 1892 à 1897. Il réalise au second salon, une affiche (Beatrix) sur le thème de Dante et Béatrice, inspirée par Rossetti. Il est présent en 1892 et 1893.
[4] Centre de documentation, Musée de la Chartreuse, Douai.
[5] Puvis de Chavannes est témoin de son mariage en 1890.
[6] Il a écrit sur Velázquez en 1913, fait des comptes rendus du Salon de la Nationale notamment sur l'Art japonais en 1922 dans la Revue de l'Art ancien et moderne.
[7] Dans les autographes de Jacques Doucet, nous trouvons une lettre du 22 novembre 1902 destinée à un René (Ménard ou Prinet) qui révèle la personnalité de l’homme :
Mon cher René,
« Si dans quelques temps vous le voyez à Paris (M. Meletta), il vous dira de l’Amérique et des américains tout le mal possible ; ne le croyez qu’à demi. Je ne suis pas pour mon compte du tout de cet avis. Je continue à être impressionné par ce pays. Je vois bien ce qu’il y a d’âpre et de brutal même, mais je trouve cela. « viable ? » (appréciable ?) parce que c’est la force. Notre épiderme sensible de gens très civilisés peut parfois souffrir de cela, mais toute notre délicatesse ne vaut ni l’énergie ni l’audace dont on a le spectacle. (…) ».
Mille amitiés.
[8] Jourdain, Frantz.- Au pays du souvenir.- Paris : les Editions Crès et Cie, 1922, p. 63.
[9] Il décora le salon de l’atelier d’Auteuil de Blanche. En 1920, il épousa la muse de Mallarmé et de Debussy, ancienne épouse de Thadée Nathanson, Misia Edwards (1872 – 1950).
[10] Cousin et mécène d’Aman-Jean, fondateur de la Bibliothèque des Arts Décoratifs Jules Maciet est un grand acheteur. Il fait don de ce décor au Louvre et au Musée des Arts décoratifs. C’est lui qui pousse Georges Petit à exposer Aman-Jean.
[12] Mahmoud Khalil (1877-1953), est un égyptien qui a fait ses études de droit en France et épousé Emilienne Hector Louis. Il est vice-président, puis président de la « Société des amateurs des Beaux-Arts » fondée en Egypte en 1923 sous le patronage du président Fouad, au pouvoir depuis 1917. Il fut aussi commissaire général du pavillon égyptien à l’exposition international de 1937 à Paris. Il est président du sénat entre 1939 et 1940. Le 20 octobre 1948 il est élu correspondant de l’Académie française des Beaux-Arts, et en devient membre en 1949.
[13] Aman-Jean fait découvrir l’art contemporain au peintre japonais Kojima (1881-1929) ; il a été son élève en 1912. Ce dernier est chargé d’acheter à Paris pour son compatriote, le grand industriel Magosaburo Ohara.
[14] Les oubliés du Caire : chefs d’œuvre des musées du Caire, Ingres, Courbet, Monet, Rodin, Gauguin : Musée d’Orsay, 5 octobre 1994 - 8 janvier 1995.- Catalogue par Geneviève LACAMBRE.- Paris : AFAA : Réunion des musées nationaux. p. 19.
[15] Edmond AMAN-JEAN.- Velázquez.- Paris : F. Alcan, 1913. 148 p.